12 août 2010

Les vengeurs masques

Article dedie a Coline et Jean, sans qui cette matinee n'aurait pas ete ce qu'elle a ete.
Il y a des gens qu'on regrette de ne pas avoir connus avant.
En esperant que ce recit leur semblera fidele a ce qu'on a vecu.

Ce matin premier petit dejeuner dans ma nouvelle guest house a cote d'un jeune couple de grenoblois avec qui j'ai echange quelques politesses la veille.

Discutant de notre programme de la journee, je leur annonce mon intention d'aller aider a evacuer la boue en leur disant que j'ai envie d'y aller comme d'aller me pendre et leur demande en plaisantant de venir avec moi.

Le miracle se produit a ce moment la, eux qui avaient prevu de ne rien faire car ils partent le lendemain me disent OUI.

Nous voila donc en route pour le centre de Leh, devant le monastere ou se rassemblent volontaires et genereux donateurs.

Ayant convenu tous les 3 de n'y passer que la matinee (car on sentait que ca allait etre fatigant) on s'etait mis d'accord pour rejoindre l'hopital, etant ce qu'il y a de plus pres.
Mais le camion de Choglamsar, petite bourgade pauvre a 10 km de Leh, lance un appel.


Choglamsar est repute pour etre l'un des endroits les plus touches par la catastrophe, et sur un coup de tete, nous decidons de nous embarquer dans cette aventure.


Dans le camion entre nous les ragots vont bon train: Coline a peur d'attraper des maladies, moi de ne pas supporter la pelle -la vue d'une binette me donnant deja des boutons-, mais surtout Coline et moi avons peur de jouer sans le vouloir a une macabre chasse au tresor en butant sur un cadavre avec notre pelle, ce qui malgre tout, nous fait beaucoup rire.

Heureusement dans ce trio il y a Jean le stoique, trio auquel se greffe Isabelle, la motivee, assise a cote de moi dans le camion.

Entasses dans ce camion comme du betail, Coline et moi continuons, gloussant sur les fleurs que le monsieur accrochees a son bonnet, poussant le sens du detail jusqu'a assortir la couleur des fleurs au orange de son chasuble de volontaire.

L'atmosphere se fait de plus en plus irrespirable a mesure que nous nous approchons de Choglamsar, la puanteur des dechets et d'on ne veut pas savoir quoi nous saisit a tel point qu'on n'a d'autre choix que de mettre nos masques.

Qu'a cela ne tienne pour notre trio de joyeux drilles, c'est l'occasion de nous immortaliser en "vengeurs masques". Coline et moi adorons tout particulierement cette photo.


A l'entree de Choglamsar, il est 9h30, les habitants sont deja a pied d'oeuvre.

Les rires se font plus rares car on realise tres vite l'etendue du desastre, sur la route, aucun magasin n'a resiste a la puissance de la coulee de boue.


Le plus hallucinant est cette maison litteralement transpercee et pulverisee par une riviere jadis souterraine qui est sortie de son lit.

Le camion a bestiaux nous depose, aucune consigne n'est donnee, les volontaires se dispersent.
Coline, Jean, Isabelle et moi demandons a un habitant de nous presenter a des gens qui ont besoin de "bras".

Il nous fait signe de suivre une dame, dont la maison se trouve tout en haut du village, et pendant les 20 minutes de marche qui nous menent vers cette maison, une vision de chaos s'offre a nous:

ou carrement detruites

Il faut quand meme dire que les maisons ladakhi s'apparentent un peu a la maison des 3 petits cochons (on a les references architecturales qu'on peut...).

Rarement en dur, faites de briques de terre, elles sont rapides et peu couteuses a construire, et si elles resistent plutot bien au rigoureux hiver ladakhi, elles ne sont pourtant pas de taille a faire face a une coulee de boue que personne n'attendait.

Pour vous donner une idee de la violence et de la hauteur de la boue:
Portail englue jusqu'a mi-hauteur

Ici la boue s'est emparee du batiment, fracassant les fenetres pour remplir l'interieur de plus de 1,50 m de hauteur.
Enfin arrives a la petite maison, nous rencontrons le proprietaire vetu d'un simple short, qui demande de l'aide pour creuser afin d'avoir une chance de retrouver quelques-uns de ses habits ensevelis.

Nous penetrons dans la maison et prenons conscience de l'ampleur de la tache, le couloir et une piece ont deja ete degages, mais il reste la chambre et le salon (ci-dessous) et la quantite de travail a fournir est titanesque.

Armes de pelles et de sac a patates (outils locaux) pour transporter la boue nous nous mettons au boulot.
Au bout d'une heure, le monde attirant le monde, nous sommes rejoints par une quinzaine de voisins et 2 autres volontaires.
Je fais remarquer a Coline, dont la grande inquietude reste de ne pas avoir de gants (j'ai oublie de dire qu'entre temps, faisant fi du cholera on a enleve nos masques parce qu'on arrivait plus a respirer et que mis a part quelques odeurs fecales, c'etait supportable), donc je fais remarquer a Coline qu'une des ladakhi,elle, porte un gant en laine, ce a quoi Isabelle passant par la me repond que c'est parce qu'elle a une main artificielle.

Alors c'est horrible, je sais, mais malgre le contexte je ne peux m'empecher de pouffer de rire, Coline non plus. Comment aurions-nous pu deviner alors qu'un vieux ladakhi est lui en combinaison de ski.
(Nous reviendrons d'ailleurs sur l'episode du gant en laine le soir a la guest house, et je pense que le fou rire de ce soir la restera un des meilleurs fou rire de mon ete).

On est plus d'une vingtaine, on se gene, Coline et moi decidons de sortir sans aucune culpabilite puisqu'a quelques metres de nous, une dizaine de militaires indiens, payes pour aider, se reposent bien a l'ombre, fumant des cigarettes et veillant surtout a ne pas se tacher.
Pendant ce temps la, Jean, lui s'affaire heroiquement a l'extraction d'un enorme rocher -entre par la fenetre lors de la coulee- en binome avec le Rambo ladakhi.
Ah le rambo ladakhi, vous imaginez toute suite un grand et beau mec muscle, et bien que nenni !
Le Rambo ladakhi c'est elle, au centre, tenue orange et gants mapa roses, une force de la nature, capable de pousser le rocher a elle toute seule, une catcheuse a la vocation contrariee.
Je me dois de faire un point sur la tenue vestimentaire des femmes ladakhi et de preciser qu'elles sont comme ca tout au long de l'annee, que cette mode n'a donc aucun lien avec une quelconque catstrophe naturelle, si ce n'est un "fashion disaster".

12h c'est l'heure du tea break organise par les voisins, heure a laquelle le trio des vengeurs -de-masques estiment avoir gagne leur repas de midi et decident donc de quitter le navire, laissant la courageuse Isabelle pelleter jusqu'a 14h.

C'est donc, quasi radiocatifs, autour d'un plat de pates pour Coline et moi, et d'un plat toujours non identifie a ce jour pour Jean (meme apres digestion) que nous commentons notre matinee de labeur a mon QG, le Penguin restaurant.

1 commentaire:

  1. Tu devrais plus souvent porter du orange cela te donne un teint célestin ou alors serait-ce uniquement le fait de travailler .... tout simplement ....

    RépondreSupprimer